Article

Les Commentaires mis à jour apportent un éclairage contemporain de l’importance, toujours actuelle, des Conventions de Genève pour la guerre en mer

Commentaire actualisé de la Deuxième Convention de Genève - Retransmission de la conférence en direct

 

Le 4 mai 2017, le CICR a réuni un panel d'experts pour le lancement du nouveau Commentaire de la Deuxième Convention de Genève. Cette conférence, retransmise en direct, a permis d'analyser l'approche des Commentaires sur les principales problématiques humanitaires actuelles tout en soulignant leur utilité pratique sur le terrain. 

Qu'est-ce qui est acceptable et qu'est-ce qui est interdit dans un conflit armé ? Les quatre Conventions de Genève de 1949 constituent le fondement du droit international humanitaire et établissent un cadre pour répondre à cette question.

Dans les années 1950, le CICR a publié ses commentaires de ces Conventions qui donnent des conseils pratiques sur la mise en œuvre des Conventions. Afin de prendre en compte l'évolution du droit et de la pratique depuis 60 ans, l'institution s'est fixée pour objectif d'actualiser tous les Commentaires existants, en s'attachant à exposer fidèlement les interprétations des Conventions, telles qu'elles prévalent aujourd'hui. Le premier Commentaire actualisé, celui de la Première Convention, a été publié en français en 2021 (en 2016 en anglais). Le Commentaire actualisé de la Deuxième Convention sur la protection des victimes de conflits armés sur mer est désormais disponible (en anglais). Jean-Marie Henckaerts, chef de ce projet, nous en dit davantage.

Quel est le principal objectif de la mise à jour des Commentaires ?

La mise à jour des Commentaires vise principalement à offrir une compréhension du droit, dans son interprétation actuelle, pour qu'il soit mis en œuvre de manière effective dans les conflits armés contemporains. Cette contribution importante permet, selon nous, de réaffirmer que les Conventions ont encore toute leur pertinence, de générer leur respect et de renforcer la protection des victimes confrontées à des conflits armés. Grâce à l'expérience acquise dans l'application et l'interprétation des Conventions durant les soixante dernières années, il nous est possible de mieux comprendre comment elles opèrent durant les conflits armés dans le monde entier et dans des contextes très différents de ceux qui avaient conduit à leur adoption. Par ailleurs, les nouveaux Commentaires vont bien au-delà des premiers Commentaires élaborés dans les années 1950 qui se fondaient principalement sur les travaux préparatoires des Conventions et sur l'expérience de la Seconde Guerre mondiale.

Pouvez-vous citer quelques exemples des sujets sur lesquels les Commentaires apportent des précisions ?

Les Commentaires explicitent de nombreux aspects, qui vont de la manière dont s'appliquent les diverses dispositions du droit international humanitaire dans les conflits contemporains en mer qui sont complexes, aux obligations qui s'imposent aux Parties à l'égard des blessés, des malades, des naufragés et aussi des morts, ce qui inclut l'obligation de les rechercher. Par exemple, le Commentaire de la Deuxième Convention analyse la protection particulière dont bénéficient les transports sanitaires en mer (c-à-d les navires-hôpitaux et les embarcations de sauvetage côtières) et les conditions dans lesquelles ils peuvent perdre cette protection. Il répond aussi à la question de savoir comment recueillir les blessés, malades et naufragés et comment les soigner après un combat. Les réponses à ces questions et à d'autres revêtent une dimension à la fois juridique et opérationnelle qui est traitée par le Commentaire de la Deuxième Convention.

À qui, d'après vous, ces Commentaires seront utiles ?

Les Commentaires sont un outil essentiel pour des praticiens du droit, tels que les commandants de navires, les officiers et les juristes, parce qu'ils leur permettent d'assurer la protection des victimes durant un conflit armé. Ils serviront aussi à former les membres des forces armées notamment des forces navales, à préparer les instructions pour les forces armées et à s'assurer que les ordres militaires sont conformes au droit. Mais ils seront également utiles aux juges qui doivent appliquer le droit humanitaire, notamment aux juridictions pénales devant lesquelles les personnes accusées d'infractions au droit peuvent être traduites. Ces Commentaires pourront aussi être utiles aux avocats au sein des gouvernements, aux organisations internationales, au CICR, aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi qu'aux universitaires.

Par exemple, lors de formations sur le droit de la guerre maritime, le CICR a échangé avec des officiers des forces navales haut placés en Asie et dans le Pacifique qui ont souligné l'importance que revêtaient pour eux les protections humanitaires qui sont au coeur de la Deuxième Convention de Genève. Aussi, nous espérons que ce Commentaire actualisé leur sera précieux dans la mesure où les idées et les références y sont plus denses.

Si l'on considère la quasi-absence de conflits armés sur mer au cours des dernières décennies, pourquoi ce Commentaire est-il important ?  

Il faut se réjouir du fait que le monde n'a pas connu beaucoup de conflits maritimes au cours des dernières années, mais cela n'est pas suffisant : les règles de la guerre sur mer doivent être connues de tous et leur sens contemporain doit être bien compris. Le Commentaire actualisé montre que les Conventions de Genève demeurent une source du droit importante. Elles représentent une des plus grandes avancées juridiques sur le plan humanitaire du 20è siècle. Elles peuvent permettre de sauver des vies et nous ne devrions pas renoncer à les mettre en pratique.

Pouvez-vous citer un exemple des évolutions prises en compte par ce Commentaire ? 

Le Commentaire actualisé illustre l'évolution de la technologie, de la pratique et des recherches académiques ces 60 dernières années. Pour prendre un bon exemple, le développement de systèmes de ciblage des objectifs à longue distance et de satellites pour la recherche et le sauvetage des victimes ont fait évoluer la technologie dans les conflits maritimes. Le Commentaire actualisé montre l'importance de prendre en compte ces évolutions pour interpréter les dispositions des Conventions. Il reflète également les progrès de la science en ce qui concerne les morts (taphonomie) et la recherche des corps en mer. 

Le nouveau Commentaire mentionne aussi des principales évolutions dans le paysage juridique, en particulier les liens qui existent entre la Deuxième Convention et les traités internationaux relatifs à la guerre sur mer qui ont été adoptés depuis 1949.  

Est-ce que le nouveau Commentaire prend en compte d'autres branches du droit international ?

Oui, par exemple, le nouveau Commentaire fait souvent référence à la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer (CNUDM), un traité adopté plus de 30 ans après l'adoption de la Deuxième Convention de Genève. Puisque la plupart des disposition de la CNUDM sont toujours en vigueur en temps de conflit armé, le Commentaire examine certains termes qui sont employés dans la Deuxième Convention de Genève et qui doivent aujourd'hui être interprétés en se référant à la CNUDM.  De plus, depuis 1949, un nombre important de traités ont été adoptés sous les auspices de l'Organisation maritime internationale (OMI). Comme aucun de ces traités ne contient de clause expréssément dérogatoire en cas de conflit armé,  le Commentaire analyse la question de savoir si les traités de l'OMI s'appliquent en situation de conflit armé qui se déroule en mer et si oui, dans quelle mesure et de quelle manière. 

Voir aussi :